Passion selon saint Jean (18, 1-40 – 19, 1-42)

(…) Quand les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses habits ; ils en firent quatre parts, une pour chaque soldat. Ils prirent aussi la tunique ; c’était une tunique sans couture, tissée tout d’une pièce de haut en bas. Alors ils se dirent entre eux : « Ne la déchirons pas, désignons par le sort celui qui l’aura. » Ainsi s’accomplissait la parole de l’Écriture : ‘Ils se sont partagé mes habits ; ils ont tiré au sort mon vêtement.’ C’est bien ce que firent les soldats. Or, près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cléophas, et Marie Madeleine. Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. » Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui. Après cela, sachant que tout, désormais, était achevé pour que l’Écriture s’accomplisse jusqu’au bout, Jésus dit : « J’ai soif. » Il y avait là un récipient plein d’une boisson vinaigrée. On fixa donc une éponge remplie de ce vinaigre à une branche d’hysope, et on l’approcha de sa bouche. Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « Tout est accompli. » Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit (…)

Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris

 

CORPS EXHIBÉ

Aujourd’hui tous nos regards se portent sur cette croix. C’est la deuxième fois que nous entendons ce récit cette semaine. La clameur de la foule a été remplacée par les quolibets, les insultes, les mots tueurs et vengeurs, les mots ravageurs… ils éclaboussent tout. Même ceux qui n’auraient pas voulu être mêlés à l’histoire sont pris dans l’engrenage et la pression d’un groupe qui prend tour à tour les visages de ceux qu’ils enrôlent. L’avenir couleur sang domine le jour et sa clarté. C’est à une autre lumière qu’il faut lire l’histoire et recueillir sa sève prophétique. Autre chose de plus profond est à l’œuvre. Si elle le savait, l’histoire crierait à la manipulation!

 

Qui est en position de puissance? On assiste bien à un meurtre sans fondement? Au triste épilogue d’une machination? Non, c’est bien plus que cela. On assiste à la résolution par en haut du drame humain. Le complot pensait posséder et anéantir sa victime… ils n’ont qu’un corps, maltraité, humilié, crucifié, élevé. Ils n’ont eu que cela: son corps. Est-ce bien la preuve que Jésus n’est plus ? Le corps crucifié met-il un terme enfin à la parole qui courrait et mettait en danger le pouvoir en place ? Plus de parole, plus de danger… ? C’est trop tard… la parole s’est tue, mais elle s’est enfoncée dans la mémoire de ceux qu’elle a croisés. Elle continue son œuvre dans leur cœur. Plus besoin du corps. L’essentiel est semé comme le grain. Prêt à lever. Il faut encore ce brin de soleil et d’eau pour que lèvent les mots souvenirs au petit matin, au fil des jours, et fassent renaître le sourire, l’espérance à partager et l’amour éternel qui n’attend que nous pour poursuivre sa course.

 

Ton corps, Seigneur, crève l’écran aujourd’hui. Tu nous avais pourtant avertis: quand je serai élevé de terre… on était restés un peu sourds à la suite tellement on n’avait pas envie que tu sois dans les mains de ceux qui te traquaient, tellement on ne digère toujours pas que Judas, qui a partagé ton pain et ta route, soit cette part de nous qui t’a trahi et participé à cette mascarade de justice. Mais toi, dans ton silence, tu faisais défiler tous ces visages croisés, tous ces cris implorant ton aide depuis des années, toutes ces ombres que plus personne ne voyait. Toi, tu n’es pas resté sourd à toute la détresse humaine. C’est elle qui t’a décidé à en finir avec tout ce qui tue l’homme. Tu as transformé le gibet en autel. Le meurtre est tué dans l’œuf.

 

Ce que nous avons sous les yeux, c’est le fils de Dieu en train de se donner pour que nous renaissions à la vie heureuse, délivrée du mensonge, du pouvoir et de sa violence. L’amour est la seule voie possible entre nous. Il est pardon, et sacrifice jusqu’au bout.

 

Ta croix devient lumineuse, Seigneur. Nos pieds lavés de la veille savent qu’il n’y a pas d’autre chemin. Réveille-nous, Seigneur, de tout notre corps ! Que ta vie envahisse la nôtre, que tes mots explosent les verrous de nos peurs et de nos amours sclérosés. Ton sang vient nous chercher. C’est pour être avec toi, encore et toujours pour un jour sans déclin: ton jour.

 

Marie-Dominique Minassian
Equipe Évangile&Peinture

 

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