En ce temps-là, de grandes foules faisaient route avec Jésus ; il se retourna et leur dit : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple. Quel est celui d’entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne commence par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ? Car, si jamais il pose les fondations et n’est pas capable d’achever, tous ceux qui le verront vont se moquer de lui “Voilà un homme qui a commencé à bâtir et n’a pas été capable d’achever !” Et quel est le roi qui, partant en guerre contre un autre roi, ne commence par s’asseoir pour voir s’il peut, avec dix mille hommes, affronter l’autre qui marche contre lui avec vingt mille ? S’il ne le peut pas, il envoie, pendant que l’autre est encore loin, une délégation pour demander les conditions de paix. Ainsi donc, celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. »
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris
AVERTISSEMENT SÉLECTIF
Voilà une page d’Évangile qui vient nous réveiller et nous pousser dans nos retranchements. Elle vient nous chercher dans notre capacité d’engagement, dans notre volonté, et finalement dans notre esprit de sacrifice. Seulement? Mais qui pourrait alors entendre cela et suivre le Christ? Personne ne veut s’isoler, se dépouiller et embrasser toutes sortes de situations angoissantes… à moins de s’appeler Paul. Lui a choisi tout, ça. Ou François d’Assise, et avec eux la kyrielle de ceux que nous avons placés au sommet de la vie chrétienne poussée à sa logique la plus extrême. Des fous pour les uns, des saints pour les autres, des modèles pour certains. La vie peut revêtir tant de visages. Mais qui veut de la croix?
Moi, dit le disciple, sans trop savoir. Et puis il ne le dit peut-être pas tout de suite. Parce qu’il est d’abord fasciné par Jésus. Quelque chose l’attire. Et puis c’est bon de se promener avec lui, de se sentir proche, avec d’autres autour de lui. Mais voilà que Jésus n’est pas en promenade. Il est missionné par le Père. Il n’est pas là pour lui-même. Il est là pour la multitude. Pas nécessairement celle qui l’acclame. Mais celle qui souffre, celle qui est exclue. Il est là pour tous ceux qui sont au ban de la société. C’est pour eux d’abord qu’il est venu. Et pour avoir choisi cela, Jésus sait ce qui l’attend: la croix. Pas seulement celle du Golgotha, mais celle de chaque jour: la fatigue du chemin, la pression de des opposants, les pièges tendus, les attentes de la foule avide de miracles… la trahison de ses amis. Tout cela est accepté d’avance. Non seulement cela ne le paralyse pas, mais cela le libère. Son être n’est plus en défense mais en offrande vivante, libre, éperdue, pour que ce monde-là ait la vie et l’ait en abondance.
Sur ce chemin consenti, il n’y a plus que l’amour qui le motive, l’affermit et le transcende. Plus rien ne peut l’atteindre. Il n’est que regard pour le Père, tendresse et compassion pour le monde. Personne, ni aucune tribulation ne peut arrêter la course de l’amour. L’amour peut tout endurer sans perdre visage. Le disciple n’est pas au-dessus du maître. Cette vie-là portée à incandescence, n’a plus besoin de se poser la question. Elle est lancée. Les attachements et les préférences vont s’estomper, le souci de soi va s’effriter, les sécurités vont tomber, la vie va basculer vers la précarité dans ce monde pour gagner dans la stabilité de la croix embrassée. Tout ce qui est choisi, embrassé, est délivré de son pouvoir de nuisance.
Jésus nous avertit. Sa marche à lui est une pâque permanente. Il va d’un bon pas. Pourrons-nous tenir le rythme jusqu’au bout ? Il ne nous promet qu’une chose. Un peu de pain et un peu de vin pour la marche, et sa présence chaque jour. Eucharistie, pâque du temps qui se découvre une destination heureuse malgré tout… Nous voilà tout surpris de vouloir de ce pain-là, le tien… C’est toi notre espérance, Seigneur. Béni sois-tu pour tant d’amour!
Marie-Dominique Minassian
Equipe Évangile&Peinture
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