Évangile selon saint Matthieu (28,1-10)
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris
VIDE SAISISSANT
Laissés en silence devant le tombeau où le corps du supplicié a été déposé juste avant le sabbat, c’est la longue journée qui s’avance, habitée du silence de l’évidence et de la sidération. Le maître n’est plus là. Plus de voix, plus de déplacement, plus de groupe. Sa mort sur la croix a figé la vie, et a dispersé la joie enfuie avec chacun. L’impensable s’est produit. Et le sabbat règne désormais sur le jour d’après, empêchant tout mouvement, enrayant toute action, laissant toute initiative suspendue dans le temps, roulant la pierre du sens. Même les rites entourant toute mort et accompagnant tout deuil sont reportés. Parenthèse religieuse qui introduit dans le repos de Dieu à l’issue des 6 jours de la création. Dieu contemple son oeuvre. Son activité se met en retrait pour regarder la vie. Dieu penché sur sa création voit sa bonté. Qu’en est-il aujourd’hui?
L’homme penché sur son histoire, pleure sur sa misère. Visité par Dieu, il ne l’a pas reconnu jusqu’à l’avoir perdu. Il n’est plus. L’histoire tourne en boucle jusqu’à ce point qui aurait dû être de non-retour. Mais le jour d’après, c’est la vie qui reprend ses droits. Il aura fallu ce temps, ce délai pour entrer dans le poids des gestes à poser, de l’essentiel à vivre. Il aura fallu ce temps hors du temps pour que les gestes d’éternité et d’amour surgissent nouveaux. Dessaisis d’eux-mêmes, ils sont pourtant devenus obsolètes et portés plus loin. Ils sont détournés du tombeau. Il est vide. Clarté criante du messager qui l’annonce. Ce n’est plus la mort qu’il faut honorer, c’est la vie qu’il faut aller retrouver. Et la vie n’a pas été mise au tombeau. Elle a été renvoyée sur les sentiers de la Galilée, là même où les mots ont été semés du vivant de Jésus. Le rideau de la nuit se déchire. La terre et la chair tremblent ensemble à cette annonce. Comment contenir cette nouveauté? Il faut partager, annoncer. La joie ne se contient pas. Elle déborde parce qu’elle a touché l’impensable qui a changé de camp. Jésus était mort et il est vivant. L’impensable et l’incroyable deviennent le vrai travail du jour d’après. Comment saisir ? Il faut aller dire. Et ce sont des femmes qui en sont chargées. Elles sont rencontrées en chemin par le Ressuscité. C’est sa marque. Il est désormais avec nous en chemin. Visible. Le tombeau a donné son fruit de vie. La joie va reprendre ses droits. Mais il aura fallu une mort, et un temps, un vide, un manque. A vivre aussi… pour ressusciter vraiment. Mourir avec lui pour revivre avec lui. Jésus penché sur ses frères demeure avec eux.
Il faudra du temps pour goûter l’incroyable. Et c’est dans notre vie que cela se passe, ici et maintenant dans notre quotidien bouleversé et figé. La joie va se frayer un chemin après la crainte. De revivre il sera question. Mais c’est au creux de cette mort que la vie se recrée. C’est maintenant qu’elle se sème nouvelle et belle: fraternelle.
Marie-Dominique Minassian
Equipe Evangile@Peinture